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Journée d'étude "Spinoza. Rire et sourire"

Publié le 14 mars 2024 Mis à jour le 14 mars 2024
Anton Lesne Laerke
Anton Lesne Laerke

Organisée par Edna Pasek, Pascal Sévérac et Ariel Suhamy

Date(s)

le 5 avril 2024

de 9h30 à 17h00
Lieu(x)

Bâtiment Paul Ricoeur (L)

Université Paris Nanterre - Bâtiment Ricœur (L) - Salle des Conseils (4ème étage)
Unité de recherche Institut de Recherches Philosophiques (UR 373)

On dit de Marcel Proust que, lisant sa Recherche à voix haute, il ne pouvait s’empêcher de rire aux éclats. Une anecdote analogue circule sur Franz Kafka : quand il lisait aux amis ses récits terrifiants, son hilarité en empêchait l’élocution. De manière similaire, on peut se demander comment Spinoza lisait ou lirait à voix haute sa philosophie. Mine sérieuse ou sévère ? Sourire aux lèvres ? En riant ? Selon son biographe Colerus, il était capable de rire aux éclats…

La question peut sembler saugrenue. Spinoza n’a-t-il pas érigé le précepte « non ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere » en haut du portique par où l’on entre à l’école de son Éthique ? Dans la lettre XXX, il rappelle, à l’intention d’Oldenburg qui déplore les comportements sanguinaires des hommes, la figure de Démocrite, le fameux rieur atomiste. Si Démocrite qui riait de tout vivait à notre époque, sans doute qu’aujourd’hui il mourrait de rire, dicit Spinoza : lui préfère comprendre. Et pourtant, cette évocation du matérialiste d’Abdère ne semble pas dépourvue d’un certain humour. Comme s’il fallait au moins passer par le rire avant d’atteindre l’affect spinoziste.

L’ Éthique (IV, 45 scolie) distingue résolument entre le rire et la dérision. Cette dernière naît (III, 52, scolie) du mépris joint à la haine, autrement dit, selon la définition des affects 11, du fait qu’on imagine quelque chose de méprisable dans une chose que nous haïssons. Or, « la haine ne peut jamais être bonne ». Le rire, au contraire, « comme la plaisanterie, est une pure joie » et, partant, seule une triste superstition voudrait l’interdire. Si chaudement recommandés par le philosophe, le rire et la plaisanterie ne seraient-ils par lui point pratiqués ? Aussi voulons-nous demander : rions-nous assez, en lisant l’Éthique ? Mais de quoi peut-on rire, s’il n’y a, selon le Ch. XVI (4) du Traité théologico-politique, rien de risible dans la nature ? Serait-ce du rien lui-même, si l’on se réfère, faute d’une définition spinoziste du rire, à la définition kantienne ?
On sait que les comédies de Térence (qu’il a peut-être jouées dans sa jeunesse) constituent la référence textuelle la plus constante de l’Éthique, sans oublier Plaute. Les références aux situations du théâtre comique sont nombreuses ; et la réduction à l’absurde qu’affectionne Spinoza confine assez souvent au risible, voire au genre de la satire contre lequel il nous met pourtant en garde. Mieux vaut en rire, dit-il des spectres à Boxel qui ne l’entend pas de cette oreille. Cela ne nous dit-il pas quelque chose sur la manière dont Spinoza concevait sa philosophie, sa communication et sa signification ?

Gilles Deleuze invitait à ne pas confondre l’humour juif du philosophe avec l’ironie grecque. Pour lui, le célèbre retournement dans le scolie de la proposition 2 de la IIe partie est un des « moments comiques » de l’Éthique (Cours sur Spinoza, 2 décembre 1980). Il parle ailleurs de la puissance comique des premiers chapitres du TTP. Que vaut cette lecture ? Tire-t-elle le philosophe du côté des libertins et autres matérialistes ? Ou s’agit-il d’une autre sorte de rire ? C’est pourquoi nous proposons de réfléchir sérieusement sur ces sujets.
Outre l’analyse des textes et l’interprétation des textes sous cet angle, quel éclairage pourrait apporter la comédie antique ou moderne, l’humour juif ou l’usage de Spinoza par le scepticisme du XVIIIe siècle ?


 

Programme


       9h30 : accueil

9h45- 10h30 :  Filomena OTTAVIANI (doctorante à l'Université de Bologne) : « Spinoza, risum et comoedia ». Quelques notes sur le rôle du théâtre chez Spinoza à partir du scolie de la proposition 45, Ethique IV.

10h30-11h15 : Ariel SUHAMY (rattaché au Collège de France - "Vie des Idées") : « Jus circa risum. Rire de la religion des autres ».

       11h15-11h30 : pause

11h30-12h15 : Sophie LAVERAN (professeure CPGE) : « La puissance politique du rire ».

12h15-13h00 :  Basile MALANDAIN (doctorant à l'ENS Lyon, IHRIM) : « Que montre-t-on quand on rit ? Le rire comme signe chez Spinoza ».

       13h00-14h30 : pause déjeuner

14h30-15h15 : Daouda NDIEGUENE (doctorant à l'ENS Lyon, IHRIM) : « La variation du rire : de la dimension ordinaire à la dimension éthique »

15h15-16h00 : Eleonora ZAINO (docteure, enseignante à Pérouse): « “Il en éclatait quelque fois de rire” : Passions et actions de Spinoza face aux luttes entre mouches et araignées ».

       16h-16h15 : pause

16h15-17h : Pierre-François MOREAU (professeur émérite à l'ENS Lyon, IHRIM) :  « Le rire de Démocrite et celui de Spinoza ».

Mis à jour le 14 mars 2024