Version française / Les membres / Doctorants
Thibault Mercier
Doctorant en philosophie, thèse dirigée par François-David Sebbah.
Titre: Le problème économique de la cruauté - à partir de la philosophie française contemporaine
Résumé:
Les exemples de cruauté dans l'économie ne manquent pas. Pourtant, les discours économiques n'en ont jamais fait, à proprement parler, un thème de recherche. Une littérature riche et variée a certes abondamment discuté la question de la violence - mais en faisant l'impasse sur l'une de ses dimensions essentielles, peut-être la plus irréductible, en tous cas la plus obscure : la cruauté. Cette exclusion n'est pas fortuite. S'il est toujours possible de l'interpréter comme un reliquat de l'humanisme occidental niché dans les abstractions économiques, elle paraît répondre à des raisons internes - plus essentielles et nécessaires. La cruauté, en effet se donne comme an-économique. Violence gratuite et sans fondement, violence visée pour elle-même, elle ne tend à aucun bénéfice, elle se tient en dehors de tout rapport instrumental. Ne trouvant pas son origine dans le calcul rationnel, elle vient toujours en supplément, comme un luxe macabre qui ajoute inutilement à un acte de destruction. Faire une économie de la cruauté relèverait du non-sens.
Est-ce sûr ? Cette étude pose d'abord le problème de la cruauté comme "tâche aveugle" pour la science économique : la cruauté, logée au cœur de la réalité socio-économique, dans ses manifestations les plus ordinaires, est impensable par et pour une rationalité calculatrice. Cet écart interpelle. Mais, plus positivement, il permet peut-être de poser le problème économique de la cruauté comme problème de l'insituabilité de la cruauté au regard de toute économie : le phénomène de la cruauté excède en effet l'opposition de l'économique et du non-économique, se tenant dans un entre-deux qui interroge ce partage. Tenir compte de cet au-delà de l'économie dans l'économie suppose de mobiliser d'autres discours, d'autres perspectives sur l'économie que ceux de la science économique. La philosophie française contemporaine, dans sa tentative de penser à la fois l'immanence du désir dans les structures économiques et sociales et la dimension économique de la vie affective ou pulsionnelle en régime capitaliste post-industriel, permet d'ouvrir un champ à l'étude d'une économie de la cruauté. Économie de la cruauté en un double sens : d'une part, au sens où des motions cruelles investissent directement et régulièrement les circuits économiques, ne se cantonnant ni aux marges ni aux temps de crise ; d'autre part, au sens où ces « investissements » de cruauté sont déjà travaillés par du calcul et de la spéculation, sont déjà une économie de la mort. Dans l'ouverture de ces questions, ouverture permise par le branchement des dispositifs pulsionnels sur la vie économique et sociale, se profilent aussi des enjeux d'ordre politique et éthique. Le couplage socio-libidinal historicise d'emblée la cruauté. Cette étude entend montrer les conditions historiques, socio-économiques, qui rendent la cruauté économique possible, et qu'une analyse purement conceptuelle de la cruauté tend à passer sous silence. Dans ce cadre, à défaut de faire une histoire économique de la cruauté, il s'agira d'interroger les mutations techno-scientifiques de la cruauté qui trouvent site dans le capitalisme contemporain, et notamment de questionner l'avènement d'une cruauté techno-numériquement augmentée. Enfin, poser le problème économique de la cruauté pose la question pratique d'une économie de la cruauté mais cette fois au sens d'une minimisation, d'une moindre cruauté. Cette question, déjà présente chez Freud, peut être relancée à partir de la philosophie française contemporaine.
Domaines de recherche: philosophie française contemporaine
Titre: Le problème économique de la cruauté - à partir de la philosophie française contemporaine
Résumé:
Les exemples de cruauté dans l'économie ne manquent pas. Pourtant, les discours économiques n'en ont jamais fait, à proprement parler, un thème de recherche. Une littérature riche et variée a certes abondamment discuté la question de la violence - mais en faisant l'impasse sur l'une de ses dimensions essentielles, peut-être la plus irréductible, en tous cas la plus obscure : la cruauté. Cette exclusion n'est pas fortuite. S'il est toujours possible de l'interpréter comme un reliquat de l'humanisme occidental niché dans les abstractions économiques, elle paraît répondre à des raisons internes - plus essentielles et nécessaires. La cruauté, en effet se donne comme an-économique. Violence gratuite et sans fondement, violence visée pour elle-même, elle ne tend à aucun bénéfice, elle se tient en dehors de tout rapport instrumental. Ne trouvant pas son origine dans le calcul rationnel, elle vient toujours en supplément, comme un luxe macabre qui ajoute inutilement à un acte de destruction. Faire une économie de la cruauté relèverait du non-sens.
Est-ce sûr ? Cette étude pose d'abord le problème de la cruauté comme "tâche aveugle" pour la science économique : la cruauté, logée au cœur de la réalité socio-économique, dans ses manifestations les plus ordinaires, est impensable par et pour une rationalité calculatrice. Cet écart interpelle. Mais, plus positivement, il permet peut-être de poser le problème économique de la cruauté comme problème de l'insituabilité de la cruauté au regard de toute économie : le phénomène de la cruauté excède en effet l'opposition de l'économique et du non-économique, se tenant dans un entre-deux qui interroge ce partage. Tenir compte de cet au-delà de l'économie dans l'économie suppose de mobiliser d'autres discours, d'autres perspectives sur l'économie que ceux de la science économique. La philosophie française contemporaine, dans sa tentative de penser à la fois l'immanence du désir dans les structures économiques et sociales et la dimension économique de la vie affective ou pulsionnelle en régime capitaliste post-industriel, permet d'ouvrir un champ à l'étude d'une économie de la cruauté. Économie de la cruauté en un double sens : d'une part, au sens où des motions cruelles investissent directement et régulièrement les circuits économiques, ne se cantonnant ni aux marges ni aux temps de crise ; d'autre part, au sens où ces « investissements » de cruauté sont déjà travaillés par du calcul et de la spéculation, sont déjà une économie de la mort. Dans l'ouverture de ces questions, ouverture permise par le branchement des dispositifs pulsionnels sur la vie économique et sociale, se profilent aussi des enjeux d'ordre politique et éthique. Le couplage socio-libidinal historicise d'emblée la cruauté. Cette étude entend montrer les conditions historiques, socio-économiques, qui rendent la cruauté économique possible, et qu'une analyse purement conceptuelle de la cruauté tend à passer sous silence. Dans ce cadre, à défaut de faire une histoire économique de la cruauté, il s'agira d'interroger les mutations techno-scientifiques de la cruauté qui trouvent site dans le capitalisme contemporain, et notamment de questionner l'avènement d'une cruauté techno-numériquement augmentée. Enfin, poser le problème économique de la cruauté pose la question pratique d'une économie de la cruauté mais cette fois au sens d'une minimisation, d'une moindre cruauté. Cette question, déjà présente chez Freud, peut être relancée à partir de la philosophie française contemporaine.
Domaines de recherche: philosophie française contemporaine
Mis à jour le 24 janvier 2024